La matière noire, aussi appelée sombre, demeure un composant invisible de l’Univers: elle n’émet ni ne réfléchit la lumière et n’a jamais été observée directement. Elle serait cinq fois plus abondante que la matière ordinaire, dite baryonique.
La matière qui nous entoure — arbres, animaux, humains, planètes, gaz, étoiles — relève de quatre interactions bien connues: la gravitation, l’électromagnétisme et les interactions nucléaires fortes et faibles. La question persiste: la matière noire suit-elle les mêmes lois ou existe-t-il une cinquième interaction qui lui serait propre?
Évaluer les théories par l’expérimentation
Les chercheurs déploient diverses méthodes et expériences pour vérifier si le cadre physique actuel décrit bien les observations et décider s’il faut réviser les modèles.
Dans le cadre du modèle cosmologique dominant, appelé Lambda-CDM, l’hypothèse est que matière noire et matière ordinaire évoluent de manière similaire. Une étude publiée dans Nature Communications teste directement cette hypothèse à très grande échelle, une approche jusqu’alors inédite.
Pour ce faire, elle compare deux types de mouvements: la vitesse des galaxies pour suivre la dynamique de la matière noire et les mouvements de la matière baryonique mesurés par les distorsions gravitationnelles et les fluctuations de densité observées dans les relevés DESI.
La cartographie DESI des galaxies proches, décrite dans le texte, porte sur environ 600 000 galaxies, représentant moins de 0,1% du volume total de l’étude. La carte situe la Terre à l’extrémité et les galaxies les plus lointaines à environ 11 milliards d’années-lumière.
Sous l’influence gravitationnelle, l’espace-temps se déforme et produit des puits gravitationnels dans lesquels la matière ordinaire chute selon des lois connues, telles que la relativité générale et les équations d’Euler.
Selon Camille Bonvin, professeure au département de physique théorique de l’UNIGE, l’absence de cinquième force signifierait que les galaxies — majoritairement composées de matière noire — chutent dans les puits selon la gravité uniquement; l’existence d’une cinquième interaction influencerait différemment ce mouvement. En comparant la profondeur des puits et les vitesses des galaxies, on peut tester la présence éventuelle d’une telle force.
Résultats et prudence scientifique
Les auteurs constatent qu’il n’y a pas de différence notoire dans la manière dont les deux types de matière chutent. Cependant, les chercheurs restent prudents: ces résultats ne permettent pas d’écarter définitivement l’hypothèse d’une force inconnue.
Nastassia Grimm de l’Université de Portsmouth, co-auteure principale, précise que si une cinquième force existe, elle ne dépasserait pas 7% de la force gravitationnelle; au-delà, elle aurait été décelée dans les analyses actuelles.
Cette méthode représente une avancée pour la compréhension de la matière noire et prépare le terrain pour des relevés plus fins lors des missions Euclid, LSST et DESI, qui pourraient être sensibles à une force aussi faible que 2% de la gravitation.
Stéphanie Jaquet
Perspectives et prochaines étapes
Des analyses futures avec Euclid, LSST et DESI pourraient préciser la sensibilité des observations à une éventuelle cinquième force, potentiellement à quelques pourcentages près de la gravitation.