Contexte et enjeux de l’analogie

En août, lors d’un discours visant à défendre un budget marqué par l’austérité, l’ancien Premier ministre François Bayrou a répété la comparaison entre le budget de l’État et celui d’un foyer, déclarant que la France serait «exactement dans la situation» des familles endettées et que «toutes les familles» savent qu’en cas d’endettement, elles sont «dépendantes de la banque» ou risquent des saisies.

Des métaphores courantes, utiles mais parfois trompeuses

Pour expliquer des réalités économiques complexes, les images utilisées en politique peuvent faciliter la compréhension en s’appuyant sur des références du quotidien, comme l’explique Amandine Crespy, professeure de sciences politiques. Cependant, ces simplifications peuvent aussi biaiser l’interprétation.

Mais certaines simplifications en deviennent parfois trompeuses et c’est le cas de l’analogie entre le budget d’une famille et celui d’un État, qui est loin d’être pertinente, pour différentes raisons expliquées jeudi dans l’émission Tout un monde.

Des limites techniques à l’analogie

Contrôle de la monnaie

Un État n’a pas une durée de vie définie comme celle d’un ménage, et son horizon temporel peut sembler illimité. Alors que chacun rembourse ses dettes de son vivant, un État peut rembourser progressivement en contractant des emprunts supplémentaires. Par ailleurs, à la différence d’un ménage, l’État peut créer de la monnaie par l’intermédiaire des banques centrales. Dans ce cadre, l’autonomie des banques centrales varie selon les pays: en Suisse, la Banque nationale est souveraine sur le plan monétaire, tandis que les États de la zone euro dépendent de la Banque centrale européenne.

> Lire à ce sujet un article de Swissinfo sur l’indépendance de la banque centrale

Capacité de fixer les revenus

Un État peut aussi ajuster rapidement ses revenus en fonction des besoins en modifiant les impôts, principale source de financement, ce qui implique des choix politiques sur les catégories de population à solliciter davantage.

Risque de défaut et financement

En règle générale, un pays est considéré comme trop important pour faire faillite, et une grande puissance internationale peut être perçue comme plus fiable, même en période de difficulté budgétaire. Cela peut influencer les conditions d’emprunt, mais le pays conserve la possibilité de se financer.

Une dimension morale de la dette

La comparaison avec le ménage est fréquemment mobilisée par les partisans d’une discipline budgétaire, souvent proches de l’échiquier politique de droite, qui s’opposent à financer les dépenses publiques par l’endettement.

La chercheuse note que l’endettement est souvent jugé sous un angle moral, avec l’idée qu’il serait immoral de trop dépenser. La référence à des fables morales, comme La Cigale et la Fourmi, a été employée à plusieurs reprises, notamment lors de la crise de la zone euro en référence à la situation de la Grèce, ce qui peut influencer le cadre du débat public sans refléter les aspects techniques de la dette.

Sujet radio: Julie Rausis • Adaptation web: Pierrik Jordan

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